Suspension de MaPrimeRénov' : actualité

Suspension de MaPrimeRénov' : frustration et incertitude pour les foyers engagés

Depuis le 23 juin, il n’est plus possible de déposer une demande d’aide pour les rénovations énergétiques globales via MaPrimeRénov’. Une décision qui vise à désengorger les services de l’Anah et à lutter contre des fraudes, mais qui plonge de nombreux ménages dans l’impasse.

Un projet stoppé en plein élan

Clément et Jeanne, un couple installé dans l’Aisne, pensaient lancer cet été de grands travaux dans leur maison ancienne de 180 m², classée en E au diagnostic de performance énergétique. Clément travaille dans la maintenance industrielle, Jeanne est infirmière scolaire. Leur objectif : rendre leur logement plus économe et confortable. Isolation par l’extérieur, combles, plancher bas, changement du système de chauffage, pose d’une VMC double flux et de volets motorisés… Un chantier estimé à 114.000 euros.

Tout était prêt : un prêt à taux zéro validé, une aide régionale en bonne voie, et une promesse de subvention MaPrimeRénov’ à hauteur de 39.000 euros. Mais faute de temps, ils n’avaient pas encore déposé leur dossier quand le gouvernement a suspendu le dispositif. « Tout était aligné. Aujourd’hui, on ne sait même plus si on pourra faire les travaux », confie Clément.

Un dispositif sous pression

D’après le ministère du Logement, cette suspension est une réponse à un afflux massif de demandes, mais aussi à la multiplication de fraudes impliquant certains accompagnateurs rénov. L’Anah aurait identifié plus de 16.000 dossiers suspects, parfois liés à des audits truqués, des identités usurpées ou des conflits d’intérêt. Dix-sept mandataires sont déjà visés par un retrait d’agrément.

Vincent Dumas, président de l’organisme ÉcoRéhab, qui accompagne les ménages dans leurs projets, s’inquiète de cette généralisation des soupçons : « Ce sont souvent les projets les plus ambitieux – donc les plus coûteux – qui sont regardés avec méfiance, alors que ce sont eux qui permettent de vrais sauts de performance énergétique. »

Des projets décalés ou abandonnés

Dans les Hauts-de-Seine, Sarah Brunet, qui dirige un espace conseil France Rénov’, note que de nombreux foyers préfèrent décaler leurs travaux à l’an prochain, voire les annuler. D’autres se résignent à des « gestes isolés » (comme l’isolation seule ou le changement de chaudière), moins efficaces mais encore soutenus.

Le flou reste total sur la suite. « Est-ce que seuls les logements classés F ou G seront encore éligibles ? Les barèmes vont-ils baisser ? Est-ce que les aides seront réservées aux ménages très modestes ? », s’interroge Vincent Dumas.

Des risques pour les plus modestes et pour la transition écologique

L’ONG Réseau Horizon estime que plus de 60.000 foyers pourraient renoncer à leurs projets, dont 50.000 parmi les plus modestes. « C’est un très mauvais signal. Si l’on veut vraiment atteindre nos objectifs, les rénovations performantes doivent être soutenues, pas freinées », alerte Léa Morel, chargée de plaidoyer climat.

Le secteur du bâtiment, lui aussi, tire la sonnette d’alarme : jusqu’à 10.000 emplois pourraient être menacés en cas de durcissement des conditions d’éligibilité ou de prolongation de la suspension.

Un budget figé, mais en baisse

Le ministère assure que le budget total pour 2025 reste fixé à 3,6 milliards d’euros, dont 2,3 milliards financés par l’État. Mais cette enveloppe est inférieure à celle de 2024 (3,7 milliards d’euros), et les arbitrages à venir sur les critères d’éligibilité inquiètent.

Un coup d’arrêt aux ambitions écologiques ?

Pour Clément et Jeanne, le message est clair : « On voulait faire les choses bien, de manière globale, durable. Aujourd’hui, ce n’est plus certain qu’on puisse le faire. » Alors que la France s’est engagée à rénover massivement ses logements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, cette suspension soulève une question cruciale : peut-on encore inciter les ménages à s’engager dans des rénovations ambitieuses quand les aides publiques deviennent aussi instables ?

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